Puis dans un autre article que j’ai publié au sujet d’Aaron Alexandre on y apprend qu’en 1836, probablement en début d’année, il quitte Paris endetté. Il doit vendre le fonds de commerce qui est formé de l’Hôtel de l’Échiquier, d’un café et d’un Cercle d’échecs.
« (…) (Les joueurs d’échecs) avaient d’abord établi leurs pénates tout près du passage des Panoramas ; mais un voisin aussi bruyant et aussi évaporé devait nécessairement troubler bientôt le calme de leurs méditations et les allures posées de leurs abonnés : le siège de la société fut alors transporté rue de Ménars, rue paisible et patricienne, exempte des échos du concert Musard, et respectée jusqu’ici par le brocantage parisien, car ces frêles couronnes de bal, ces fleurs brillantes écloses sous la main des jeunes filles qui les envient, et qui, jeunes filles et fleurs, sourient aux passants derrière les vitres, ce n’est certes là pour personne un sujet de plainte ni une distraction qu’on ne puisse tolérer. (…) »
Le départ du cercle des Panoramas est précipité, puisque cela impliquera un procès entre le propriétaire des lieux et les membres actionnaires du cercle des échecs. Manifestement les joueurs d’échecs ont considéré que le contrat était rompu par l’arrivée du bruyant concert Musard et de sa faune. Ils sont partis avant la fin du bail.
Plusieurs points remarquables dans l’article du journal Le Constitutionnel ci-dessous.
L’article cite le propriétaire du Café de la Régence à l’époque, Joseph Evezard, qui cédera en 1836 son établissement à son beau fils Claude François Vielle.
Le Cercle des Panoramas et très récent et regroupe la bonne société parisienne. Il est clair que n’importe qui ne peut accéder à ce cercle.
Mais c’est surtout à la fin que se trouve un détail très intéressant. Dans ce milieu masculin, se trouve une rare évocation d’une femme joueuse d’échecs avec un niveau tout à fait honorable, la princesse Christine de Belgiojoso.
Les promeneurs du boulevard Montmartre ne se doutaient pas aujourd’hui que les intérêts de l’Occident et de l’Orient étaient aux prises, dans la somptueuse maison qui fait l’angle de la Nouvelle rue Vivienne. Le club des Panoramas était en fête ; c’était vraiment le jour de son inauguration. On sait que ce club a ravi le trône de l’échiquier au Café de la Régence
Où le vieux Evezard
Au jeu de Palamède enchainait le hasard
Maintenant les successeurs de Palamède ont suivi la bannière de M. La Bourdonnais, leur roi. C’est dans de magnifique salons, remplis d’air et de lumière, que se livrent de mémorables batailles qui ne coutent ni larmes, ni sang. Nos vieux généraux de l’Empire se sont donné rendez-vous au champ clos des Panoramas ; entre tous brille le brave général Haxo ; la foule des combattants est formée de pairs, de députés, de hauts fonctionnaires, de banquiers, d’industriels.
M. La Bourdonnais s’est offert, mais il a été récusé ; l’ambassadeur s’est incliné devant le Mahomet de l’échiquier. Alors M. Saint-Amant, le vice-roi du jeu, a mis le pion turc à la main, et s’est assis devant le noble adversaire de Stamboul. Le joueur français a tout de suite compris la nouvelle marche avec une merveilleuse sagacité.
Journal de la ville de Saint-Quentin – 6 mars 1836 – Retronews
Un lieu pour la bonne société…
Les club des échecs est un des établissements les plus fashionables de la capitale. Ses brillants salons sont hospitaliers à tous les adeptes du jeu d’échecs. M. La Bourdonnais qui le préside est le plus fort joueur de l’Europe. Après lui, on cite M. le général Haxo, M. Fould, banquier et député de St.-Quentin, M. Wilson et M. Amédée Jaubert.
C’est au cercle des Panoramas que naitra la première revue d’échecs au monde, Le Palamède.
C’est en référence à ce cercle que Joseph Méry écrira son texte « Le club des régicides ».
Le Palamède 1836 – Gallica – Texte d’introduction
« (…) A Paris, le club des Panoramas s’est ouvert pour rivaliser avec les établissements du même genre connus en Europe. Les batailles qui se livrent chaque jour à Westminster, à Vienne et sur le boulevard Montmartre, n’ont point d’historiographes ; les grands faits d’armes de l’échiquier européen restent ensevelis dans l’ombre, faute de bulletin : le journal que nous annonçons enregistrera les victoires et les défaites (…) »
C’est là que le grand Deschapelles fera un retour au jeu d’échecs et qu’il lancera son défi aux meilleurs joueurs d’Angleterre en offrant le pion et deux traits. Hélas ce défi n’aura jamais lieu.
Les célèbres joueurs d’échecs du cercle des Panoramas s’étaient donné rendez-vous hier matin devant la deuxième chambre. Là ils ont engagé très sérieusement une partie, non pas contre leurs rivaux d’outre-mer (NDA – référence au match par correspondance entre Paris et Londres), mais contre M. Eclancher, propriétaire du cercle, jadis si brillant, mais aujourd’hui triste et abandonné. C’est en se fondant sur cet abandon que M. Eclancher demandait contre ses anciens habitués des dommages-intérêts, et le renvoi des parties devant arbitres pour en fixer le montant.
Mais le tribunal, après avoir entendu les explications des défenseurs, a déclaré M. Eclancher purement et simplement non-recevable en sa demande, et l’a condamné aux dépens.
Et pour terminer, en novembre 1847 dans Le Palamède, Saint-Amant publie la nécrologie de Deschapelles. On y trouve le paragraphe suivant
« (…) Du reste, (Deschapelles) n’acceptait un interlocuteur qu’avec précaution; quand il le connaissait peu ou qu’il ne lui revenait pas, il n’ouvrait pas la bouche. Nous l’avons vu une fois dans le jardin du Palais-Royal, assailli par l’ancien entrepreneur du Club d’Échecs des Panoramas, dont il était très mécontent.
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