Vous avez les lettres précédentes ici et là.
Estampe – Promenade à l’exposition universelle de Paris 1855 – Gallica
Puis Arnous de Rivière assure avoir le soutien des Anglais pour l’organisation du tournoi, et propose de faire quelques changements par rapport au déroulement du tournoi de Londres en 1851. Un aspect important concerne également la révision des règles du jeu dans le but de les uniformiser et de les rendre universelles, chose qui avait échouée à Londres en 1851.
Arnous de Rivière demande ensuite de l’aide à son correspondant afin de diffuser l’annonce du congrès partout en Allemagne. Puis il propose une ébauche de budget, mais comme il l’indique, ce ne sont que des hypothèses car les souscriptions n’ont pas encore été lancées…
Le projet avance certes… Mais il ne faut pas perdre de vue qu’il n’y aura pas de tournoi à Paris en 1855 !
Voici le texte de la lettre. Elle est annotée par Von der Lasa – les notes (que j’indique en italique) sont transcrites et traduites de l’allemand par Herbert Bastian que je remercie.
Mit der Bitte um gelegentliche Rücksendung, dem Vorstand der Berliner Schachgesellschaft zur gefälligen Kenntnisnahme mitgeschickt. Brüssel 3. Jan 55 Lasa
Envoyé au comité de la société d’échecs de Berlin, avec prière de le renvoyer à l’occasion, pour information. Bruxelles 3 janvier 1855.
Monsieur,
Je vous suis infiniment obligé de l’empressement que vous avez mis à répondre à mon appel ; vos deux lettres du 23 et du 29 décembre (NDA – xbre) me sont parvenues au temps de leur date, pour ne rien oublier de ce qu’elles mandent je vais les suivre alinéa par alinéa. Vous commencez par émettre un doute sur la réussite du congrès-tournoi en raison des circonstances actuelles, la guerre a détourné les esprits des échecs surtout en Angleterre (NDA – guerre de Crimée) et vous ignorez quelles sont les dispositions de vos compatriotes.
*Die Regeln und die Bezeichnung (= Notation) gehören wohl in die letzte Reihe am Congreß.
*Les règles et le système de notation occupent sans doute le dernier rang du Congrès.
Monsieur Staunton me parait être très disposé à seconder le Cercle de Paris, il me l’assure dans ses lettres et vous avez pu voir qu’il avait déjà publié dans L’Illustrated London News le nom des membres du Comité de Direction. Dans le court séjour que je fis en Angleterre l’année dernière, au mois de juin nous nous étions entretenus des moyens du succès pour un tournoi.
Je lui demandai s’il pensait que ses compatriotes souscriraient volontiers et M. Staunton m’assura qu’il trouverait parmi les joueurs anglais une somme d’au moins 200 livres sterling. Les embarras de la crise où nous avons été jetés depuis par la politique modifient peut-être ses idées comme ses ressources ?
**Wenn Herr Staunton sehr gütig sein wollte, hatte er wohl schon, selbst zu kommen, verworfen. Vielleicht sagt er aber doch zu.
**Si M. Staunton voulait être aimable, il avait sans doute déjà refusé de venir lui-même. Mais peut-être acceptera-t-il quand même.
Vous vous préoccupez, Monsieur, de la manière dont sera organisé le tournoi, vous critiquez celui de Londres et entre autre inconvénient vous me citez l’exclusion presque immédiate de MM Kieseritzky, Mayet et Lowenthal ; vous proposez de restreindre le nombre des concurrents et d’augmenter le nombre des parties en ce sens que chaque joueur devra gagner deux parties sur trois à son adversaire. C’est aussi l’avis de M. Anderssen.*** Il ne faut point négliger selon vous de se mettre en rapport direct avec le plus grand nombre d’amateurs dans tous les pays.
Soyez certain, Monsieur, que l’esprit de notre comité est d’écarter soigneusement l’arbitraire. Hier même, M. de Saint-Amant avec lequel j’ai pu m’entretenir pour répondre à vos obligeantes communications me disait qu’il convenait de faire régler par les joueurs de tous pays réunis en assemblée générale**** (NDA – ass.gale) dans notre cercle toutes les questions relatives à l’organisation du tournoi.
***Falsch verstanden. F
***Mauvaise compréhension.
****Das ist bequem für das Comitée, aber nicht practicabel.
****C’est commode pour le comité, mais ce n’est pas pratique.
F ich hatte denModus des London Clubs empfohlen – Anderssen will bei der Art des St. G. Clubs bleiben, aber die Zahl der Siege über zwei vermehren.
F j’avais recommandé la méthode du London Club – Anderssen veut rester dans le style du St. G. Club, mais augmenter le nombre de victoires au-delà de deux.
Un rapport sera préparé qui résumera les opinions des autorités en matière d’échecs et dès la première réunion on votera sur l’adoption de tel ou tel système.
Ce procédé me semble de beaucoup le meilleur ; le Cercle de Paris s’efface le plus possible et chacun est appelé sur le pied d’une parfaite égalité. D’ici au temps de notre réunion nous pourrons traiter par correspondance sur les divergences d’avis des principaux amateurs. Je reconnais comme vous la convenance d’une invitation directe de notre club à ceux des joueurs étrangers dont le concours parait le plus à désirer. Veuillez être assez amical pour m’envoyer une liste des cercles importants d’Allemagne et leur adresse ainsi que celle des grandes célébrités de l’échiquier dont j’ai le malheur d’ignorer jusqu’à l’existence au moins pour un certain nombre d’entre eux ; il faut pardonner cela à un adepte aussi novice que moi.
Le vœu que vous exprimez sur la publicité des séances est juste, il sera certainement écouté, ne craignez rien à l’endroit de la publication des parties, elles seront propriété publique, chacun butinera à son aise. Il est à regretter que le congrès de Londres manquait d’autorité suffisante pour résoudre les questions de révision des lois et de notation universelle. J’espère que notre congrès aura un caractère d’universalité qui lui permettra de se prononcer utilement sur ces questions. Pour ma part je compte insister pour que cette portion de notre programme soit accomplie sérieusement.
Reste à savoir quels seront les prix accordés ? Je ne puis vous répondre d’une manière assez positive, ce que je vais vous dire émane de mes appréciations personnelles car les listes de souscriptions n’ont pas encore été lancées et j’ignore au juste ce qu’elles produiront, mais enfin voici les bases qui me paraissent les plus probables.
Le Cercle des Échecs de Paris 2000 francs
La Régence et les amateurs de province 1000 à 2000 francs
L’Angleterre 5000 à 6000 francs
L’Allemagne (?) 2000 (?) francs
11000 francs à 15000 francs
Le produit des droits d’entrée (??) 2000 francs
Soit un total de 13000 à 17000 francs
Le prix principal sera proportionnellement très considérable, ainsi soit un encaisse de 12000 francs, le prix du grand match serait de la moitié 6000 francs. Le reste de la souscription sera réparti entre les joueurs de second ordre, les compositeurs de problèmes et les analystes qui à partir du 1er janvier 1855 auront contribué à faire progresser la théorie du jeu.
Voici, Monsieur ce que je puis vous dire de plus pressé ; il me reste à vous remercier de votre bienveillant concours en vous priant de continuer à me servir d’intermédiaire auprès de vos compatriotes. Dois-je nourrir l’espoir de vous voir prendre vous-même une part active dans notre congrès ? C’est le vœu le plus ardent de tous les amateurs d’échecs en France et je suis heureux de les représenter, Monsieur, pour vous le dire.
J.Arnous de Rivière
Les commentaires sont désactivés.