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Proposition d’un joueur d’échecs isolé en 1786

Comment faire quand on habite en province et qu’on n’a pas d’adversaire pour jouer aux échecs en cette fin de XVIIIe siècle ? L’équation n’est pas simple. Un lecteur du Journal de Paris propose une solution inédite dans une lettre publiée par le Journal de Paris du 20 janvier 1786.
 

Journal de Paris du vendredi 20 janvier 1786 – Retronews

En France, il faut attendre 1836 pour le premier journal dédié au jeu d’échecs avec Le Palamède, les années 1850 pour les premières chroniques d’échecs régulières dans les journaux, et enfin la deuxième moitié du XIXe siècle pour voir se multiplier les parties par correspondance et les cercles de province. A sa fondation en 1921, la FFE créera une affiliation pour les joueurs isolés, possibilité aujourd’hui disparu.

Voici donc un extrait de la lettre avec le passage concernant le jeu d’échecs. A noté que je n’ai pas trouvé la localisation géographique de ce lecteur qui habite dans les Cévennes. Merci par avance si un lecteur de ce blog peut m’éclairer à ce sujet.

 
Variété
Aux auteurs du journal
Des Vens, Rivière de Chasenat, Pays des Cévennes (*)

Messieurs,
Le Journal de Paris est devenu aussi le Journal de la Province, et j’en fais ma lecture favorite.
(…)

 
Jean-Jacques (**) disait qu’il ne fallait pas avoir trop d’esprit pour bien jouer aux échecs ; C’est ce qui fait que j’y joue passablement et avec passion. Mais comme on prétend que je persiffle longuement quand je gagne, et que je suis d’une humeur horrible quand je perds, tout le monde sur ce prétexte évite de faire ma partie. Je suis donc réduit à jouer seul.

Vous sentez, Messieurs, combien cela est insipide. C’est pour me tirer de cette fâcheuse situation, que je prends la liberté de vous indiquer un moyen qui peut être agréable à tous ceux qui se trouvent dans le même cas que moi. Ce moyen serait de faire suivre au Public une partie d’échecs, en annonçant, dans votre Journal, un seul coup tous les jours. 
D’après cela, chaque amateur armerait son échiquier, riposterait vis-à-vis de lui même pour le lendemain, et la Feuille suivante lui apprendrait s’il a bien ou mal joué. Cela deviendrait une espèce d’énigme, dont on chercherait le fil chaque jour. Il ne faudrait pour cela que deux joueurs de la première force, assez complaisant pour vous envoyer alternativement les coups à jouer ; et il y a, dit-on, dans la capitale, une société d’échecs (***) où se rassemblent dix joueurs de la 2e classe qui donneraient la pièce aux premiers joueurs du reste de l’Europe.
J’ai l’honneur d’être, etc.

(*) La graphie d’époque est : Des Vens, Rivière de Chafenat, Pays des Cévènes.
(**) Il s’agit de Jean-Jacques Rousseau – Voir les articles que j’ai rédigés à son sujet ici et
(***) A quelle société d’échecs fait-il référence ? Il s’agit soit du Salon des échecs, soit du Café de la Régence.

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