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Après le fiasco du tournoi d’échecs de Paris en 1889

Cet article fait suite à ceux que j’ai consacrés sur le tournoi d’échecs de Paris en 1889. Première partie et deuxième partie.

Que devient l’Association Française des échecs après le fiasco de l’organisation du tournoi de Paris en 1889 ? C’est l’infatigable Jules Arnous de Rivière qui nous en dit quelques mots dans La Revue des Jeux en 1890.

 

Gallica – La revue des Jeux

Revue des jeux 1890 – page 229

Association française des Échecs et autres Jeux de combinaisons 

Cette Association, fondée en 1887, existe toujours, et un jour ou l’autre elle triomphera des obstacles que rencontrent presque toutes les institutions à leur origine. Le principe de l’union et de la coopération est le vrai, et l’effort commun doit prévaloir sur l’intérêt et la mauvaise volonté de l’individu; mais malheureusement, en France, on s’engoue facilement pour une personnalité, et on est indifférent quand il s’agit d’une œuvre collective. 
Vous trouverez des amateurs qui donneront un cachet de 20 francs à un professeur qui promet de leur apprendre les secrets de l’art de bien jouer aux Échecs (et sa leçon serait payée son prix à 3 fr. 50); mais ces mêmes amateurs se feront beaucoup prier pour verser 6 francs de cotisation annuelle à la caisse de l’Association. Ils se disent ou même ils vous disent : Que me reviendra-t-il de ce sacrifice ? La réponse est aussi nette que l’interrogation : Pendant un temps, vous ne pouvez rien récolter, vous recevez des circulaires qui vous tiennent au courant de la propagande, et c’est tout. 
Dans l’avenir, la France aura, comme les autres pays, son organisme spécial aux jeux de combinaisons, et ce sont les premiers souscripteurs qui auront été les plus méritants. Alors il y aura possibilité d’avoir un fonds pour instituer des tournois périodiques, pour former des archives, pour secourir des professionnels de talent dans les circonstances critiques, et nous n’aurons plus la disgrâce de savoir qu’un Philidor et un La Bourdonnais ont été ensevelis hors de leur patrie et par charité. 
L’administrateur délégué par le comité fondateur de l’Association est M. Arnous de Rivière ; c’est à lui qu’on peut adresser les souscriptions; elles ne sont plus sollicitées; celles qui sont déclarées proprio motu sont bien accueillies, et elles servent à couvrir les frais d’impression et de secrétariat. Pour plus de renseignements, écrire à M. A. de Rivière, quai Bourbon, 53, à Paris.
 
J. A. DE R.

Arnous de Rivière n’en démord pas, le seul responsable se trouve au Grand Cercle et Cercle des échecs de Paris, en la personne de Samuel Rosenthal (qu’il ne nomme pas directement).

 

Samuel Rosenthal – Photo publiée dans l’Illustration de 20 septembre 1902 à l’occasion du décès du joueur d’échecs.

Revue des jeux 1890 – Page 308

Un groupe de bons amateurs londoniens sont venus à Paris passer les vacances de la Pentecôte. Ils ont profité de ce court séjour pour visiter le Cercle du boulevard Montmartre, où se sont réfugiés les derniers membres de la Société d’Échecs de la rue de Beaujolais. Quelques parties ont été jouées, et l’avantage est resté, dit-on, aux joueurs de Paris. Allons, tant mieux, et voilà une belle occasion de frapper sur le tam-tam; vous verrez qu’on n’y manquera pas.

 
Ce n’est pas un fait d’aussi minimes proportions qui atténuera la faute commise l’an dernier de laisser s’écouler la période de l’Exposition universelle sans convoquer les célébrités de l’échiquier, et cette faute a été préméditée et voulue, non pas commise à l’étourdie. Tandis que le Salon bibliographique et quelques amateurs remplis de zèle faisaient tous leurs efforts à l’effet d’aboutir à l’organisation du tournoi international, on travaillait sourdement a contrario dans un certain milieu, on y obtenait l’abstention en masse, et Dieu sait si l’on s’est frotté les mains d’avoir échappé à la nécessité de prendre part à une lutte sérieuse ! Combien de temps encore les amateurs d’Échecs de France s’accommoderont-ils d’un état morbide qui nous place juste à la queue de toutes les autres nations ?
 

 

 L’illustration du 26 mai 1894 – Jules Arnous de Rivière
 

Le dernier article que j’ai trouvé au sujet de l’association Française des échecs pour cette période (1887-1890) est publié dans le journal Gil Blas, où son nom est évoqué. Puis plus rien pendant une dizaine d’années. 

 
 
 
Gil Blas  – 10 septembre 1890

(…) eu France nos professeurs d’échecs s’abstiennent de lutter les uns contre les autres; ils ne pourraient y être contraints que si l’Association française avait l’autorité qu’elle tient du consentement de la majorité des amateurs, mais ceux qui ont intérêt à diviser empêchent l’Association d’exercer son action libérale et les échecs en souffrent. Pour supprimer la cause du mal il n’y aurait pour ainsi dire qu’à souffler dessus, mais on s’obstine à ne le pas vouloir. Résignons-nous donc, ô mes contemporains et frères de la corporation à prendre la queue du progrès, à voir les autres pays organiser des tournois de maîtres dans lesquels nos champions figurent peu glorieusement où qu’ils ont la prudence de fuir. 

 
Dix ans ? Mais nous sommes alors en 1900 et il va y avoir une nouvelle
exposition universelle à Paris ! Ainsi sous le pseudonyme de Bic de Brasero, dans l’Écho de Paris du 6 février 1900, Jules Arnous de Rivière parle d’une nouvelle association appelée « Association Française des Échecs »…
 
L’écho de Paris – 6 février 1900

Récréations Intellectuelles
 
L’Association française des Échecs 

Lorsqu’une idée est juste, elle finit par s’imposer; lorsqu’une institution répond aux vœux des esprits éclairés, tôt ou tard elle est appelée à réussir. Voilà longtemps que la France reste en arrière des autres pays quant à l’organisation de la famille échiquéenne, et la conséquence de cette absence d’organisation a été un émiettement des forces et des moyens de développer la pratique du plus beau des jeux savants. 
Il s’est fondé des réunions plus ou moins prospères, mais qui n’ont aucun lien entre elles et aucune n’a assez d’autorité pour faire accepter ses résolutions ; cela tient à ce que les intérêts généraux sont sacrifiés, soit aux vues d’une exploitation commerciale, soit au profit des professionnels. 
Nous ne disons pas que ces intérêts particuliers sont illégitimes; il est naturel que le propriétaire d’un café cherche son avantage et qu’un professeur tâche d’obtenir un bon cachet; mais bien au-dessus de ces poursuites s’élève et plane le souci désintéressé du bien commun qui doit être confié aux personnes les plus propres à diriger. 
Toute société a besoin de direction. Un groupe de fervents amateurs du jeu d’échecs vient de se constituer dans le but de doter enfin notre Paris d’un comité chargé de représenter et de gouverner la famille entière des joueurs d’échecs de France. Ils sont déjà une quarantaine, ils seront cent demain, et il est à souhaiter qu’ils rallient un nombre toujours croissant d’adhérents. Provisoirement, le siège de la nouvelle association est établi 36, rue de Richelieu. Le président est. M. le docteur Maurat, dont l’amabilité et le zèle sont au-dessus de toute louange. Nous ne saurions trop encourager les amateurs d’échecs à entrer en communication avec lui et à s’inscrire pour faire partie de l’association. 
 

 

Mais comme je l’ai déjà évoqué dans un autre article, lors de l’exposition universelle de Paris en 1900, c’est au tour de Samuel Rosenthal d’organiser avec le seul Cercle des échecs de Paris le grand tournoi d’échecs qui sera remporté par Emmanuel Lasker. 

 
En attendant un article dédié à ce tournoi de Paris en 1900, je vous propose de lire ici ce que disait Emmanuel Lasker au sujet de Samuel Rosenthal et du tournoi de Paris en 1900. 
 
C’est mon interprétation de plusieurs chapitres de son livre écrit en 1937 Comment Victor est devenu un maître d’échecs.

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