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Le Grand tournoi d’échecs de l’Exposition Universelle de Paris en 1889 – 2 sur 2

Suite de l’article sur le grand tournoi d’échecs de l’Exposition Universelle de Paris en 1889.

Comme on peut le lire dans le journal Gil Blas du 7 décembre 1888, Marie François Sadi Carnot, le nouveau Président de la République, ne semble pas très intéressé par le jeu d’échecs, contrairement à son prédécesseur Jules Grévy. 

 

Portrait officiel du président de la République Marie François Sadi Carnot

 
Gil Blas 7 décembre 1888 – Par Jules Arnous de Rivière

« L’Association Française des Échecs (et autres jeux de combinaison) a pris comme on sait l’initiative d’un projet de concours international à l’Exposition de 1889.

Les instances qui ont été faites auprès de M. le président de la République pour obtenir des objets d’art se sont brisées jusqu’à présent contre un non possumus très inattendu ; on ne donnerait pas de prix d’encouragement au troisième congrès des échecs, parce qu’on en refuse aux nombreuses Sociétés de gymnastique, qui toutes sollicitent un vase de Sèvres.
La raison me parait être discutable ; La gymnastique ne peut être représentée que par un comité central de même que l’escrime, ou l’équitation, ou le yachting, etc., et on trouve dans tous les pays des récompenses officielles pour ces exercices et sports d’une utilité incontestable. Les échecs considérés comme une école de gymnastique intellectuelle et l’antidote des jeux de hasard, avaient été jusqu’à ce jour généreusement dotés par le gouvernement.
Espérons encore que la question sera examinée de nouveau en haut lieu ; quoi qu’il advienne il faut que le troisième grand congrès se fasse à Paris l’an prochain – a cet effet le comité de « L’Association » est entré en pourparlers avec les diverses Sociétés ou se rencontrent les amateurs d’échecs riches et influents. Le temps presse. »

Jules Arnous de Rivière se démène pour réunir les fonds nécessaires à l’organisation du tournoi.
Il contacte plusieurs chroniqueurs de journaux afin de faire appel aux souscripteurs.

 

Retronews – La France – 11 février 1889

Par exemple dans le journal La France (édition de Paris) le 11 février 1889.
Le courrier d’Arnous de Rivière se termine ainsi

« (…) Il est à peu près sûr qu’en dépit du mauvais vouloir de quelques-uns et de l’indifférence du plus grand nombre nous réunirons assez d’adhérents, riches, généreux, zélés et compétents pour faire les fonds et la besogne. Seulement il n’y a pas de temps à perdre.(…) »

Effectivement le temps passe vite. Après avoir promis son aide (voir le précédent article), le Salon Bibliographique s’implique. Une aide va être demandée à la ville de Paris, et la souscription est ouverte.

 

La Stratégie – Avril 1889 (à noter l’erreur typographique dans l’article à la troisième ligne)

Nous avons le plaisir d’annoncer qu’il y a bon espoir de voir organiser à Paris un grand tournoi international pendant le cours de l’Exposition. Un groupe influent d’amateurs du Salon Bibliographique, après entente avec M. A. de Rivière, membre délégué de l’Association Française des Échecs, a ouvert une souscription et a sollicité un prix de la Ville de Paris ; si tout va bien le tournoi sera commencé le 15 Août prochain. Les personnes désireuses de participer à la réussite de cette dernière tentative, sont invitées à envoyer leur souscription dont le minimum a été fixé à cent francs. »

Le lieu du tournoi est déjà fixé. Ce sera dans les locaux du Salon Bibliographique 195 boulevard Saint-Germain.

 

Retronews – La Liberté du 23 avril 1889

Après la présidence de la République, c’est au tour de la ville de Paris de refuser d’aider à l’organisation du tournoi d’échecs. Les nuages s’amoncellent… 

 

Retronews – La France (édition régionale) 7 mai 1889

Samuel Rosenthal finit enfin par passer une annonce du tournoi avec un certain retard dans sa chronique du journal Le Monde Illustré. L’appui de Rosenthal peut être déterminant, car le Grand Cercle et Cercle des échecs est fréquenté par une riche et influente bourgeoisie parisienne.

 

Gallica – Le Monde Illustré – 29 juin 1889

La souscription touche à sa fin…

 

 Retronews -Gil Blas 22 juillet 1889

Le 24 juillet 1889, le journal Le Siècle fait les comptes. Les souscripteurs ne sont pas assez nombreux.
Mais on peut remarquer que le cercle le plus riche par ses membres, à savoir le Grand Cercle et Cercle des échecs de Paris, n’a offert que 200 francs… C’est-à-dire deux souscripteurs en tout et pour tout.
En sous main Samuel Rosenthal a sans doute œuvré pour torpiller le projet initié par Jules Arnous de Rivière. Au petit jeu des vengeances personnelles, c’est Samuel Rosenthal qui va gagner, au détriment de l’intérêt général. 

 

Retronews – Le Siècle 24 juillet 1889
 

Rosenthal publie dans le Monde Illustré du 3 août 1889 le courrier qui marque la fin du projet.
Il n’y aura pas de tournoi d’échecs…
 

Gallica – Le Monde Illustré – 3 août 1889

Jules Arnous de Rivière a parfaitement compris.
Ainsi dans l’Écho de Paris du 6 août 1889.

« (…) Une singulière apathie régnait parmi les amateurs en état de faire le sacrifice de la somme de cent francs réclamée comme un minimum de souscription et ce qu’il y a eu de plus désolant et de plus significatif c’est que le groupe des joueurs d’échecs que l’on supposait dévoué (je veux parler des membres du Cercle du boulevard Montmartre), est précisément le groupe où l’indifférence est devenue une force d’inertie, force qui a paralysé les louables efforts du Salon Bibliographique et de l’Association Française des échecs. (…) »

Ou bien encore dans Gil Blas du 11 août 1889. L’amertume est là pour jules Arnous de Rivière.

 

Retronews – Gil Blas 11 août 1889

ECHECS

Tournoi International à Paris en 1889

Les efforts combinés de l’Association française des échecs et du Salon bibliographique, pour arriver malgré la pression du temps à organiser un International n’ont pas été couronnés de succès.
Que ceux qui ont été lents à faire connaitre leur adhésion, que ceux qui sont restés réfractaires gardent la responsabilité d’un avortement quelque peu honteux. On s’attendait partout en Europe et en Amérique à voir s’engager à Paris une de ces grandes mêlées qui attestent et poussent toujours plus avant les progrès du plus noble et du plus fécond des exercices intellectuels.
Les principaux joueurs du monde se préparaient à venir disputer le rang aux joueurs français; ils s’en faisaient fête.

Que fallait-il pour rendre le tournoi possible ? Une somme d’argent de très minime importance relativement à la fortune considérable de plusieurs membres de notre corporation, mais tandis que les uns souscrivaient généreusement et avec bonne grâce, d’autres se cantonnaient dans une abstention qui ressemble bien à de l’hostilité, et cependant le comité provisoire composé des personnes les plus distinguées avait convié tous les groupes d’amateurs d’échecs à seconder son action éminemment libérale et large. — C’en est fait maintenant, l’heure est passée, l’occasion est perdue; quand serons-nous à même de réparer cette faute ?

Pour montrer qu’il en est parfaitement capable, Samuel Rosenthal organisera, avec le concours du Grand Cercle le tournoi d’échecs de l’exposition universelle de Paris en 1900. Ceci sans faire appel à une souscription extérieure au Grand Cercle, et en privatisant totalement le tournoi.

Que devient l’Association Française des échecs après l’échec cuisant de l’organisation du tournoi de Paris en 1889 ? A suivre…

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