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Lettre d‘Arnous de Rivière à Tassilo von der Lasa en date du 12 mars 1855

Voici la 4ème lettre, dont je dispose, de la correspondance entre Jules Arnous de Rivière et Tassilo von Heydebrand und der Lasa, conservée à Kornik en Pologne.
Lettre 1 – 18 mai 1854
Lettre 2 – 9 octobre 1854
Lettre 3 – 1er janvier 1855

Tassilo von Heydebrand und der Lasa – Bibliothèque de Cleveland

Collection de portraits de joueurs d’Échecs de de Dames de John G. White. 
 
Dans la précédente lettre, 3 mois auparavant, Jules Arnous de Rivière posait la trame de l’organisation d’un futur tournoi international d’échecs à l’occasion de l’exposition universelle de Paris en 1855. Tournoi envisagé sur le modèle de celui de Londres en 1851.

Dans le premier paragraphe de cette nouvelle lettre, on s’aperçoit que tout ne va pas pour le mieux dans cette organisation. Le Cercle Philidor (voir la lettre 1) est sur le point de se dissoudre, et on commence à sentir quelques tensions avec Saint-Amant.

En fait, le nouveau Café de la Régence sera inauguré le 15 août 1855, le jour de la Fête Nationale (voir un de mes tous premiers articles de ce blog), et le cercle s’installera au 1er étage, suivant la même configuration que l’ancien Café de la Régence, Place du Palais-Royal.

Puis Arnous de Rivière évoque un manuscrit ancien d’un dénommé Doazan, dont il semble douter de l’authenticité. Ce point qui semble anodin et pourtant capital pour l’histoire du jeu d’échecs. Je consacrerai un prochain article au sujet de Gabriel Eloi Doazan et de son manuscrit.
En quelques mots : à partir de ce manuscrit, qu’il indique daté de la fin du XVIe ou début du XVIIe siècle, Doazan publie dans plusieurs numéros du Palamède de 1843 et 1844 une série de textes plus ou moins romancés et de parties d’échecs très anciennes. Ce manuscrit controversé disparait après la vente en 1865 de la bibliothèque de Doazan, décédé en 1864. 

 

Le Palamède – février 1843 – Extrait du 1er texte de Doazan au sujet du manuscrit qu’il possède
 

Et enfin, Arnous de Rivière continue quand même de croire à la possibilité d’un tournoi de Paris en 1855 en évoquant des noms prestigieux susceptibles de venir jouer le tournoi, si, selon lui, les conditions financières sont acceptables.

Paris, 12 mars 1855
 
Monsieur,
Je vous suis très reconnaissant d’avoir pensé à m’envoyer l’adresse de MM. Falkbeer et xxxx (NDA : nom illisible ? Matschello ? Mitchell ?) ; si je donne suite au projet de tournoi dont je vous ai entretenu, je ne manquerai pas d’en faire part à ces messieurs ;
La difficulté de trouver l’argent n’est pas la seule, le Cercle est à la veille de se dissoudre ou de se reconstituer ; je suis seul croyant, M. de Saint-Amant qui pourrait beaucoup par son savoir-faire et par son influence ne veut pas se donner la moindre peine… Je ne vous cache pas qu’avant de lancer un prospectus, avant de faire un appel sérieux au zèle et à la bourse des joueurs et amateurs de l’étranger, je voudrai être plus sûr de l’appui de mes compatriotes.
 
Vous me demandez des renseignements sur le manuscrit ancien de M. Doazan ; j’ai lu votre lettre à ce respectable amateur des échecs et il s’est récrié à la pensée que vous aviez pu prendre au sérieux le roman publié dans le Palamède et qui n’est qu’un cadre imaginé par lui pour présenter d’une façon moins aride les parties dont vous contestez l’authenticité avec raison. En France nous voulons qu’on nous amuse même en nous instruisant. L’opinion de M. Doazan sur son manuscrit est qu’il est œuvre apocryphe de quelque joueur fort peu soigneux ; des copies fourmillent d’incorrections ; il est à croire que des altérations graves ont été commises. Cependant le manuscrit est ancien pour la manière de roquer – voir le Salvio. 

Si vous trouvez que ces indications générales ne suffisent pas je me ferai un plaisir de vous donner telle particularité qui pourrait vous être agréable. M. Greville m’entretient quelquefois du bonheur qu’il se promet de vous revoir ; en le rappelant à votre bon souvenir je m’acquitte d’une commission mainte fois renouvelée.
 
Herr Löwenthal me mande qu’il importe peu que les prix soient de 5000 ou de 500 francs et qu’il faut ne pas laisser tomber le tournoi projeté, mais pensez-vous, Monsieur, que Anderssen, Harrwitz et autres voudront se déranger et risquer leur réputation pour une petite somme ? Pour moi la lutte entre les célébrités n’est possible qu’à la condition d’offrir un prix d’argent assez considérable.
 
Agréez l’assurance de ma considération la plus distinguée
J.Arnous de Rivière
 

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